« La mort. L'horreur absolue de la non-existence. La mort ne rentre dans aucun schéma. Il n'y a pas d'explication à la mort. Elle entre, elle vous arrête au milieu d'une phrase : "Non, c'est fini" et claque la porte. » Anthony Burgess, Entretien avec Sophie Lannes.

Je m'appelle Candide, mais ne vous fiez pas à mon prénom : je suis loin d'être naïve. J'habite depuis toujours à Safford, j'y ai passé ma vie, et je comptes bien y passer ma mort. Oui, aussi fou que cela puisse paraître, mon cœur ne bat plus et aucun air ne s'engouffre dans mes poumons. Je n'ai plus peur de prendre l'avion, de monter sur une moto sans casques, de me couper ou de me faire lâchement poignarder comme le jour de ma mort, il y a cinq ans, quand je me suis réveillée avec cette cicatrice en dessous du sein gauche. Tout les morts l'ont, peu importe leur nature. Les hommes l'ont sous leur pectoraux gauche, les femmes sous leur sein gauche. Dans tous les cas, je n'ai plus peur de tout ça, non. Mais autre chose me terrifie tout autant, peut-être même plus. Ça m'effraie. En mourant, j'ai appris des choses que j'ignorais lorsque j'étais encore en vie. Il se passe des choses, une sorte de querelle dont les vivants sont les pions, les témoins, les victimes. Les morts sont divisés en deux camps : les bons qui s'écrasent, les mauvais qui essayent de diriger le monde. C'est caricatural, mais c'est comme ça. J'ai beau être considérée comme une nouvelle-née dans le monde des défunts, cette histoire m'exaspère au plus au point. J'ai tout de suite ressentit le besoin de changer ça. J'ignore pourquoi, mais il m'a fallut prendre les choses en mains et seule, je n'y serait pas arrivée. Deux hommes m'ont rejoints par la suite, Woody et Esraïm. Nous sommes restés trois, c'est largement suffisant. Aux yeux des palpitants, nous ne sommes que des morts qui cherchent à accomplir leur mission pour trouver la lumière et quitter définitivement la Terre. C'est faux. Les morts, eux, nous considèrent comme des esprits rebelles, des fous même. Mais peu nous importe. On est là pour renverser les Érinyes, nos forces du mal à nous.

Les Érinyes ne se dirigent pas toutes seules et nous, Sisyphe ou Prométhée, appelés de manière caricaturale 'les gentils', sommes bien placés pour le savoir. Le méchant, le vrai, le pire est à la tête du pouvoir. Arrêtez de penser à Georges W. Bush, Nicolas Sarkozy ou autre Kim Il-sung. Je ne vous parle pas d'eux. Non, les vraies forces du mal, les pires, les absolues sont dirigées par Phorcys, plus connu sous le patronyme d'Emérys Angus Lasmany. Le chef des Sisyphe, les fantômes dit pacifistes, s'appelle Bacchus mais vous, vivants, vous l'appelez Angen Ephram Sossamon. Un troisième clan existe cependant, le mien. Je l'ai créé il y a environ un an et nous sommes trois. Notre nom? Les Prométhée.

Depuis la nuit des temps, les gens sont tiraillés entre le bien et le mal, et les fantômes n'échappent guère à cette règle. Cependant, dans notre cas de figure, nous ne nous disputons guère pour la même chose. Phorcys et Bacchus se connaissent depuis extrêmement longtemps, et ce qui était autrefois une querelle d'adolescent boutonneux met désormais en danger toute la population de Safford, voire même des États-Unis. La raison de ces disputes incessantes était une femme. Chacun l'aimait, et c'était au premier qui réussira à obtenir son amour et ce premier fut Bacchus. Il se marie avec elle et donne naissance à une fille, Hestia. A partir de cet instant, Phorcys essaya par tous les moyens de trouver d'autres sources de conflit avec son ennemi, partant du plus bref détails. Certains fantômes ignorent tout de la base de cette histoire, ils savent juste que deux clans sont créés et que, coûte que coûte, ils devront choisir.